Comment améliorer la performance d’une entreprise avec la tortue de Crosby ?
15 avril 2022Témoignage de Louis Rasquier, fondateur et dirigeant de MHTI
24 juin 2022L’expérience de gestion de crise des troupes d’élite
Denis Favier et Jean-Louis Fiamenghi sont interviewés le 28 avril par Alba Ventura sur RTL pour la parution de leur livre « TOP ACTION ! Face aux crises ». Ce livre se présente sous forme d’entretiens avec le spécialiste Guillaume Farde. Ces anciens patrons du GIGN et du RAID mettent aujourd’hui leur expérience au service des entreprises. Au travers leur témoignage, ils évoquent les postures clé de la gestion de crise. Malgré la différence des enjeux, ce qui m’a interpellé très vite en les écoutant dans cet interview, c’est la similitude des situations rencontrées. Effectivement, les expériences vécues au sein de leurs unités d’élite sont parfaitement transposables dans nos entreprises.
L’interview de Denis Favier et Jean-Louis Fiamenghi
Il est toujours intéressant et souvent pertinent de s’imprégner de l’expérience des autres et d’en tirer les enseignements. Alors écoutons l’interview Denis Favier et Jean-Louis Fiamenghi :
Quels sont les enseignements que peut-on tirer de leur témoignage ?
Je vous propose maintenant de partager quelques points clés de cet interview, autour des 3 thèmes qui structurent leur exposé : se préparer, agir, s’adapter.
1. La gestion de la crise :
Analyser la situation
Ces deux patrons de troupes d’élite nous rappellent que gérer une crise c’est gérer un imprévu … voire une succession d’imprévus qu’il faut régler au fur et à mesure. Certes, ce sont des imprévus, mais même dans ces circonstances, il faut « équilibrer » ses émotions pour éviter de faire des bêtises. Cela implique de « bien poser la situation, de prendre du recul, d’analyser, de décortiquer » et donc de préparer. Ils l’expriment très clairement : gérer la crise, c’est d’abord préparer l’avenir.
Prendre l’ascendant et donner le tempo
Le moment est favorable quand on l’a choisi car les meilleures conditions sont réunies. Et lorsque se présente une situation d’urgence ou de danger, il faut néanmoins savoir réagir. Même dans ce cas, il faut ce temps de réflexion qui devient un temps d’avance afin de prendre l’ascendant sur la crise. Et cet ascendant moral est primordial. Il permet d’organiser avec une issue positive en tête. Il permet de reprendre la main et de donner le tempo. Maitriser son organisation et le déroulement de son plan pour atteindre ses objectifs.
2. Se préparer
Se préparer, c’est d’abord analyser la situation et prendre du recul pour comprendre les tenants et les aboutissants, avant de réagir.
Le besoin de protocoles
Toute organisation nécessite de s’appuyer sur des protocoles. Ils représentent la mise en commun des meilleures pratiques. Ils permettent d’apprendre, de s’exercer, de perfectionner. Un grand nombre de gestes élémentaires et de routines sont ainsi parfaitement maitrisées. Lorsqu’il s’agit de les mettre en œuvre, d’autant plus en situation de crise ou d’urgence, pas besoin de réfléchir à la façon de faire. Dans un groupe, les pratiques sont homogènes. Chacun sait ce qu’il peut et doit attendre de l’autre. Cela donne la confiance, confirment Denis Favier et Jean-Louis Fiamenghi. La confiance en soi et la confiance dans le groupe sont des conditions de succès.
Construire le plan
Pas d’improvisation : un plan est nécessaire. Il précise les objectifs, le rôle de chacun, les actions à conduire, le planning. C’est le « projet » qui concentre les énergies. Le plan ne reste pas dans la tête du chef. Il ne se construit pas seul. Il s’énonce aux équipes. Celles-ci sont engagées dans sa clarification et son optimisation. La co-construction est nécessaire pour assurer la compréhension, l’adhésion et l’implication de tous.
3. Agir
Voilà certainement le point le plus important de cet interview : la place primordiale réservée l’humain. « Tout repose sur l’engagement humain ». Les conditions de réussite sont préparées en amont.
Engager les équipes sur la vision et les objectifs
Citons ces deux chefs : Les équipes sont totalement imprégnées de la vision stratégique et des objectifs à atteindre. Quand on a un projet, quand on a un sens donné à l’action, on peut aller très loin dans l’engagement. Il me semble important de le rappeler : « Ce qui va de soi » ne l’est pas pour tous. Aussi, il faut prendre soin de bien mener cette étape, condition sine qua non de réussite, et rassembler les énergies dans un même projet, une même ambition.
Déléguer
La situation est analysée. Le plan est construit, partagé, compris, optimisé et adopté. Les équipes sont entrainées et sont désormais engagées vers un même but. Mettre en place toutes ces conditions permet de déléguer. Pourquoi ? Il est impossible de tout prévoir, impossible de planifier dans le détail. Or, la réalité est toujours différente de ce que l’on a imaginé. La délégation est donc bien indispensable pour être capable s’adapter aux imprévus. Car chacun gère la crise et sa succession d’imprévus à son niveau. Ainsi, plus besoin d’ordres nous expliquent Denis Favier et Jean-Louis Fiamenghi.
4. S’adapter
L’adaptation s’appuie sur 2 ressorts.
- Le 1er est la délégation, qui permet l’adaptation à la réalité en temps réel. Ce qui a été abordé dans le paragraphe précédent.
- Le 2ème est l’amélioration des process, notamment pas le debriefing et les retours d’expériences.
Bénéficier des retours d’expérience
Le debriefing et les retex* sont nécessaires pour aider à être meilleurs. Dans cette expression « être meilleurs », il faut comprendre mieux préparés et plus efficaces Il est important de ne pas se satisfaire du résultat obtenu mais de tirer les leçons de ce qui s’est passé. Qu’est-ce qui a bien marché ? Qu’est-ce qui aurait pu ne pas marcher ? Et j’ajoute : Qu’est-ce qui n’a pas bien fonctionné ? Il ne s’agit pas uniquement d’en faire le constat, mais d’en déduire les implications et ce qui est nécessaire de changer. Et évidemment de mettre en œuvre ces changements. Ce qui peut exiger une mise à jour des procédures et des nouveaux entrainements.
Les conseils appliqués au pilotage d’entreprise
Les expériences décrites par Denis Favier et Jean-Louis Fiamenghi sont parfaitement transposables dans nos entreprises. Bien au-delà de la gestion de crise, cette interview m’a immédiatement interpellé en décrivant avec d’autres mots et d’autres situations, les domaines essentiels du pilotage d’entreprise.
Voici un éclairage sur 3 domaines du pilotage pour faire un lien entre les propos de Denis Favier et Jean-Louis Fiamenghi et le monde de l’entreprise.
Un projet qui donner du sens et suscite l’engagement
Le plus important est sans équivoque l’aspect humain. Mener une troupe dans un assaut, c’est comme conduire des équipes dans une entreprise. Dans les 2 cas, on y retrouve l’importance du projet, qui permet de rassembler et impliquer, et de donner le sens de son engagement. Pas de sens, pas d’engagement. Pas d’engagement, peu de chance de réussite de l’assaut. Donner du sens pour susciter l’engagement, pour une entreprise, c’est avoir clarifié et communiqué :
- Pourquoi l’entreprise existe, quelle est sa raison d’être : le pourquoi
- Ce que l’on veut que l’entreprise devienne, en tenant compte de sa raison d’être : le quoi
- Et les valeurs qui constituent les références du vivre ensemble
Construire et piloter une stratégie
Prendre l’ascendant et donner le tempo, c’est construire et piloter une stratégie. Lancer un assaut sans plan revient à s’en remettre au hasard. Sans stratégie, l’entreprise perd ses capacités de réaction, et subit ses marchés. Pour embarquer le plus grand nombre dans une stratégie nécessite de la présenter à tous avec ses étapes et ses objectifs, les moyens pour obtenir quels résultats. Ensuite la mise en œuvre nécessite de communiquer et de piloter le déploiement. C’est la seule façon de s’assurer de l’atteinte des objectifs.
Une organisation performante
L’organisation est ce qui permet à chacun de faire son travail, de tenir son rôle. Cela s’applique dans la mise en œuvre des actions stratégiques, et bien évidemment dans la réalisation des actions quotidiennes, ces actions de l’entreprise qui créent de la valeur pour les clients. Si chacun réalise parfaitement son travail quotidien, qu’est-ce que cela apporte ? Productivité, bonne ambiance, qualité des relations clients, fiabilité … sont les résultats d’une organisation performante. C’est pour cela que c’est important. Vous pouvez avoir la meilleure stratégie du monde, si l’organisation n’est pas bonne … Dans le déploiement de la stratégie, et dans les activités permanentes, il faut s’assurer que chacun apporte ce qu’on attend de lui, et que la globalité des contributions permette d’atteindre les résultats visés.
Voilà pourquoi, nous avons besoin d’équipiers qui connaissent parfaitement leur rôle, ce que l’on attend d’eux, et entrainés sur l’ensemble des pratiques qu’ils sont susceptibles de mettre en œuvre. Les protocoles, les formations, les rituels, les indicateurs, les retex dans des boucles d’amélioration continue … font partie des outils nécessaires aux organisations performantes.
Conclusion
Conduire une troupe d’élite dans un assaut, des équipes dans une entreprise, des bénévoles dans une association … sont des situations qui rassemblent des individus autour d’un même projet. C’est bien cet aspect humain qui est primordial :
- Le projet qui donne le sens et suscite l’engagement.
- La stratégie pour savoir où l’on est, où l’on va et comment.
- Le rôle attendu de chacun
- Le suivi des réalisations
- L’apprentissage tirée de chaque expérience, pour le bénéfice de tous
Alors, prêt à partir à l’assaut ?
*Retex = RETour d’EXpérience