Interface : moment pendant lequel ont lieu les échanges et les interactions entre deux services ou deux activités.
La valeur ajoutée d’une entreprise, pour les produits ou services qu’elle propose à ses clients, tient avant tout de ses équipes et des compétences qu’elles auront développées.
C’est essentiel et c’est indispensable.
Or, la réalisation de la valeur ajoutée repose le plus souvent sur des enchaînements d’activités. Des activités, ou des tâches, interdépendantes les unes des autres, réalisées les unes après les autres pour réaliser le produit ou le service.
Cette situation d’interface se présente :
Chaque passage entre une activité et la suivante, ou entre une tâche et la suivante est généralement source de perte de productivité. La réalité est que les informations à transmettre, et comment (à quel moment, à quelle fréquence, sous quel format …) ne sont pas claires. C’est le début de la chasse aux informations, qui consomme bien plus de temps que ce que l’on pense, surtout qu’elle est quasiment invisible. Sans parler des effets sur l’engagement et la motivation.
La plupart des entreprises connaissent la productivité de chaque tâche. Et elles se focalisent sur la recherche de performance sur ces tâches. Alors que les pertes de temps sont bien plus grandes dans les interfaces.
Pour illustrer comment fonctionnent les interfaces dans nos organisations et ce qui rend le fonctionnement de l’équipe efficace et performant, quoi de mieux que l’exemple du relais 4 x 100m ?
Vous souvenez-vous ?
La finale du relais 4 × 100 mètres féminin des championnats du monde d’athlétisme 2003 se déroule le 30 août au Stade de France à Saint-Denis. Elle est remportée par l’équipe de France : Patricia Girard, Muriel Hurtis, Sylviane Félix et Christine Arron.
Comme beaucoup, j’ai vibré à l’exploit de ces 4 athlètes. Et revoir cette vidéo aujourd’hui m’émeut encore.
Appréciez à nouveau visionner cet exploit, la vidéo dure 1 minute :
En plus de la victoire, elles établissent le nouveau record de France à 41’’78, après celui battu la veille. La meilleure preuve qu’elles sont allées au maximum.
Evidemment, les athlètes françaises ont partagé :
Et pourtant, les 8 équipes finalistes portaient probablement en elles cette même envie de gagner.
La première question qui se pose à nous est la suivante : qui aurait pu prédire cette victoire ?
Les Américaines étaient archi-favorites. Chacune d’elles est détentrice de records et de performances individuelles supérieurs à ceux des Françaises lors de cette saison 2003. En additionnant les performances individuelles des coureuses américaines, elles arrivent 3,2 mètres avant les Françaises. En cette année 2003, l’équipe US est en très grande forme : leurs performances leur laisseraient espérer arriver 6,4 mètres avant l’équipe française.
Alors comment alors expliquer la réussite de Patricia, Muriel, Sylviane et Christine ?
Je vous invite à écouter à nouveau les premières secondes de la vidéo.
« Les passages vont être déterminants … c’est uniquement une question de passage »
Au-delà de leur engagement, ce qui constitue la véritable différence entre l’équipe française et les autres équipes, c’est une parfaite synchronisation du passage de relais. Observez ce mouvement millimétré dans leur foulée et leurs balanciers de bras, mille fois répété et perfectionné, jusqu’à devenir un automatisme efficient.
Prenons garde, cet automatisme n’est pas synonyme de rigidité. Cet automatisme vaut par le niveau de maitrise du mouvement et la capacité de s’adapter à son coéquipier : sa vitesse, la hauteur de son bras et l’imbrication des foulées des 2 athlètes.
Ce magnifique exemple montre que disposer des meilleures individualités, ici les Américaines et leurs performances au-dessus du lot, ne suffit pas, même rassemblées autour d’une forte volonté de réussir.
Inger Miller, l’une des 4 sprinteuses américaines confirmera après la course :
« Nos passages de témoin ont été faibles … Si nous nous mettons à travailler les transmissions, nous battrons le record du monde ! »
C’est exact ! Inger Miller a parfaitement raison, mais trop tard !
Rien n’égale la force d’une équipe, évidemment au service d’un objectif commun. Mais chaque membre doit connaitre le rôle de l’autre et comment chacun va interagir avec l’autre et ensemble. C’est le passage du relais !
Et encore ici, ce qui est vrai en sport, l’est également en entreprise.
Animer une équipe comporte les mêmes fondamentaux :
Une équipe performante doit parfaitement connaitre et pratiquer le « système » dans lequel elle évolue : les missions de chacun, la place et l’importance de chaque tâche dans le processus d’ensemble, les informations utiles à recevoir et à transmettre, à qui, et quand, sous quel format… en résumé : « le passage du relais » !
La définition de relais dans Wikipédia : « un relais est un système, une organisation ou un réseau qui fait le lien entre deux ou plusieurs agents partageant le même objectif »
En référence à l’exploit des championnes du monde 2003, ce qu’il manque à cette définition est que ce relais doit être performants, les interfaces doivent être efficaces.
Le saviez-vous ? Une étude du Boston Consulting Group montre que dans les organisations (trop) complexes, les équipes passent 60 à 80% de leur temps … à perdre leur temps.
Pourquoi ? parce que la coopération est absente des organisations.
Bien souvent les performances sont mesurées individuellement, ce qui incite à se concentrer sur ce qui est mesuré. Malheureusement, de la somme des performances individuelles ne résulte pas l’optimum commun.
Tout comme la somme des performances individuelles des athlètes américaines, les femmes les plus rapides du monde, ne conduit pas à la victoire aux championnats du monde en 2003.
Seule la coopération permet d’utiliser au total moins de ressources, que ce soit équipements, systèmes, stocks, … et surtout la coopération permet d’économiser :
C’est clair : l’efficience de l’organisation réside dans la parfaite connaissance du rôle des uns et des autres, de l’autonomie donnée pour s’adapter aux relais amonts et avals, et de la qualité de la transmission du relai.
C’est ainsi que Patricia Girard, Muriel Hurtis, Sylviane Félix et Christine Arron ont gagné le championnat du monde et battu leur propre record.
Observez bien au ralenti le passage du bâton entre les relayeuses. Tous leurs efforts, toute leur attention, sont dirigés à passer le relai dans les meilleures conditions à la partenaire. L’objectif prioritaire au moment de chaque relai : c’est une transmission optimale. Quand la sprinteuse suivante part très vite, elle ne le doit pas à un suprême effort de sa part. Elle part très vite grâce au bénéfice de l’effort de sa partenaire qui lui transmet parfaitement le témoin.
Une grande partie des gisements de performance des organisations dans les entreprises se situent dans ses interfaces. Elles sont dues à la mauvaise qualité de la transmission d’informations nécessaires à l’accomplissement de ces tâches.
Appliquer quelques règles simples et de bon sens permet de construire une meilleure organisation sans la rendre complexe, et lourde de process, procédures et contrôles.
Philippe Leroux, l’entraîneur du relais féminin en 2003, répétait à l’envi : « le succès ne se vivrait qu’après une bonne dose de travail collectif ». Effectivement, améliorer la performance des organisations nécessite travail collectif et coopération.
Il existe des outils visuels et coopératifs pour donner du sens, simplifier les processus et rendre autonomes les organisations en se focalisant sur la transmission des informations.
C’est bien là le point essentiel : la transmission des informations. Il faut donc particulièrement bien soigner la qualité des interfaces.
« Les passages vont être déterminants … c’est uniquement une question de passage »
Yves Morieux et Peter Tollman définissent 6 principes à mettre en œuvre pour une organisation performante avec des interfaces efficaces. Ces 6 principes sont interdépendants, comme un tout indissociable et cohérent.
Les gens ne se lèvent pas le matin en se disant « je ne vais pas coopérer, je ne vais pas répondre aux intérêts du client, je ne vais pas contribuer à la réussite de l’entreprise ». Ils se lèvent pour faire quelque chose et il est important de savoir quoi pour comprendre pourquoi.
Aussi irrationnels que puissent paraitre les comportements au travail, les collaborateurs font ce qu’ils pensent être le mieux pour eux pour atteindre un objectif en fonction de leurs contraintes. Reste à savoir quels sont ces objectifs qu’ils essaient d’atteindre (pas nécessairement ceux qu’on leur a assigné), les contraintes afin de comprendre le pourquoi.
Certains acteurs de l’entreprise occupent une fonction fondamentale dans la transmission des informations. Ils sont repérables car ils sont désignés familièrement comme de véritables « courroies de transmission », « tour de contrôle » ou encore « rôle charnière » dans les organisations. Il s’agit donc d’identifier et valoriser ceux-là même qui ont, par leur position, intérêt de favoriser la coopération.
Le pouvoir c’est la capacité d’avoir un impact, de changer les choses. A ne pas confondre avec l’autorité ou la légitimité. En augmentant la quantité pouvoir disponible on augmente la capacité à s’adapter et s’améliorer. Augmenter la quantité de pouvoir implique donc une large capacité à déléguer.
Chacun doit comprendre et reconnaitre l’intérêt qu’il y a à coopérer. Cela passe éventuellement par un mécanisme de fixation d’objectifs adapté (individuels, collectifs et mixtes). Cela passe surtout par le développement de l’autonomie pour renforcer la capacité à agir et coopérer.
Chaque acteur de l’organisation doit comprendre les conséquences futures de ses actions pour mieux prendre en compte l’impact sur les autres dans ses décisions.
La coopération ne se mesure pas, ses impacts oui. Il convient donc de recourir à l’observation et au jugement pour reconnaitre et valoriser ceux qui coopèrent
Les principes précédents sont évidemment essentiels à mettre en pratique.
Voici deux conseils supplémentaires, fruits de l’expérience de Kuberneo, pour améliorer la productivité de votre équipe
La condition préalable à leur mise en œuvre est que les interfaces et la transmission d’informations soient suffisamment améliorées. Et pourtant, dans la pratique, vous rencontrerez encore deux situations qui risquent de nuire au travail d’équipe :
Assurer la qualité des interfaces manque souvent dans nos entreprises. Alors qu’une grande partie des gisements de performance de nos structures se situent justement dans ses interfaces.
Vous pouvez désormais vous posez les questions qui suivent. Dans mon entreprise :
Comme beaucoup, vous pensez qu’observer ce qui se passe réellement au sein de son entreprise et comprendre comment rendre l’organisation plus performante n’est pas si simple.
N’hésitez donc pas à faire appel à œil extérieur qui vous apporte outils et méthodes.
Osez. Vous déciderez alors en parfaite connaissance